discours

Allocution du Secrétaire général parlementaire à l'occasion du Conseil permanent de la Francophonie

A / A / A

Le Secrétaire général parlementaire de l’APF, M. Jacques Krabal, a prononcé un discours lors du Conseil permanent de la Francophonie, réuni les 6 et 7 juillet 2021.

Madame la Secrétaire générale de la Francophonie,
Mesdames et Messieurs les Représentants personnels des Chefs d’État et de gouvernement,
Monsieur l’Administrateur de l’OIF,
Mesdames et Messieurs les Représentants des opérateurs institutionnels de la Francophonie,
Mesdames et Messieurs,

« Hélas ! on voit que de tout temps, les petits ont pâti des sottises des grands » comme le disait dans sa fable Les deux taureaux et la grenouille Jean de La Fontaine, né à Château Thierry, le 8 juillet 1621.

C’était vrai hier. C’est vrai aujourd’hui.

Mais, il nous appartient à nous de créer les conditions nécessaires pour réinventer un monde dans lequel les bêtises du passé ne se renouvellent pas.
Le temps n’est plus seulement à condamner ou à tergiverser… L’heure est à l’action politique pour une Francophonie réinventée autour de nos fondamentaux et de la pensée de Senghor.

N’oublions pas que pour lui, « le monde doit se construire solidairement ». Il disait que la mondialisation véritable ne peut se réaliser, que par la convergence de toutes les cultures vers une civilisation de l’universel.
C’est bien à l’édification d’une œuvre grandiose de paix que Léopold Sédar Senghor convie tous les peuples du monde. Chacun doit participer à ce « banquet de l’Universel », où chacun se sentira à sa place car respecté.
Ainsi, dans cet universel, si une seule culture est niée, c’est toute la force de convergence qui se trouve empêchée. Le dialogue des cultures est au cœur de l’ambition de la Francophonie.

Et nous savons qu’aujourd’hui cette question est centrale pour un monde plus apaisé.

C’est un autre mérite de la philosophie politique de Léopold Sédar Senghor, trop souvent ignoré.

En 1960, il diffuse un texte dans plusieurs journaux appelant à la « coopération islamo- chrétienne ». En voici un extrait qui pour moi rassemble un programme politique que nous soyons croyants ou agnostiques.

Je vous propose ces réflexions :
« Le but de l’Islamisme et du Christianisme (...) est de réaliser la volonté de Dieu. Mais, pour réaliser cette volonté, en gagnant le ciel, il faut réaliser, ici-bas, la fraternité entre les hommes par la justice pour tous les hommes. Or, qu’est-ce que la justice si ce n’est l’égalité de chances donnée, au départ, à tous les hommes quelles que soient leur race ou leur condition, si ce n’est, avec le travail, la répartition équitable du revenu national entre les citoyens, du revenu mondial entre les nations, si ce n’est, enfin, la répartition équitable du savoir entre tous les hommes et toutes les nations (…) ».

Face aux crises politiques que notre monde traverse, nous devons ainsi réaffirmer que la fraternité passe par une solidarité agissante, la justice par un ordre constitutionnel respecté et des institutions internationales capables de se remettre en question pour gagner en agilité et flexibilité. La veille et l’anticipation des crises doivent être nos objectifs.

C’est pourquoi, les missions de bons offices doivent accompagner les transitions démocratiques jusqu’à la consolidation de l’État de droit qui passe, et je veux le rappeler, par la mise en place des fichiers d’état civil consolidés et de registres de listes électorales fiables.

Dans un monde fébrile par un contexte international anxiogène, où les démocraties sont fragilisées, seule une meilleure gouvernance qui assure la protection des citoyens et leur engagement plein et entier à la consolidation des démocraties permettront à l’humanité de tisser un lien de solidarité agissante et universel.

C’est vrai partout. Cela l’est davantage au Sahel où toutes les menaces multifactorielles convergent :

  • Menaces terroristes ;
  • Menaces démocratiques avec l’abstention grandissante. Quand le peuple boude les urnes, le risque d’explosion est grandissant ;
  • Menaces économiques ;
  • Menaces environnementales et le dérèglement climatique avec les chaleurs torrides en Colombie-Britannique ;
  • Menaces sociales ;
  • Menaces sanitaires avec la Covid 19 et la question du vaccin universel ;

Pour faire face à toutes ces menaces multifactorielles, l’APF appelle donc à un front uni de la Francophonie et à un plaidoyer commun, gouvernements, parlements et société civile de l’espace francophone.
Un front uni de la Francophonie sur la sécurité en faveur du G5 Sahel permettrait aussi de veiller à l’unité et à la cohérence d’une stratégie commune mais aussi de faire entendre notre voix au sein des institutions internationales et notamment à l’ONU pour renforcer la coopération et le multilatéralisme, comme nous le rappelait, il y a quelques jours, une délégation de parlementaires du Tchad. Certes, ce n’est pas simple mais nous devons relayer l’appel de nos chefs d’État pour faire aboutir à la mise en œuvre du chapitre 7 dans les pays du G5 Sahel.

Alors mobilisons-nous tous ! C’est cela faire de la politique dans l’espace francophone !

C’est pourquoi aussi sans chercher à se substituer à la diplomatie traditionnelle des États, l’APF est convaincue que la diplomatie parlementaire peut, non seulement venir l’enrichir, mais aussi la développer.

Elle ouvre en effet de nouvelles possibilités de dialogues et d’échanges. Elle apporte une certaine souplesse aux modalités de l’action diplomatique gouvernementale. Enfin, le caractère transpartisan de la diplomatie parlementaire permet d’apporter une autre vision, de faire entendre d’autres voix et de stimuler le dialogue.

Ces deux types de diplomatie sont donc nécessaires et parfaitement complémentaires.

Le comité interparlementaire G5 Sahel, qui se réunit actuellement, l’illustre parfaitement. Il contribuera à la création du parlement des jeunes et soutient votre initiative de la Radio jeunesse Sahel pour une information des jeunes citoyens…

Un front de la Francophonie permettrait enfin de rassembler tous les acteurs, de travailler en transversalité et de façon coordonnée sur bien des sujets et il est un qui concerne les problématiques liées au numérique et notamment pour garantir la souveraineté des Etats face aux GAFA ou encore la lutte contre les infox qui fragilisent nos démocraties et pour les libertés individuelles.
L’APF s’inscrit déjà dans cette démarche. C’est ainsi que l’Avis qui sera présenté au Sommet de la Francophonie l’illustrera parfaitement. Il sera le fruit d’une rédaction collégiale avec l’ensemble des sections de l’APF et fondé pour la première fois sur une réflexion nourrie avec tous les acteurs de la Charte mais aussi des chercheurs, des universitaires de l’AUF, des experts de la société civile et l’Union francophone.

Si nous devons défendre le multilinguisme dans les instances internationales, c’est sur le numérique que la Francophonie doit agir pour défendre notre langue malmenée sur internet, les médias francophones mais aussi défendre les données personnelles.

Madame la Secrétaire générale, Mesdames et Messieurs,

C’est donc par le respect de la diversité culturelle et linguistique à laquelle nous invite Jean de la Fontaine, né à Château-Thierry, il y a 400 ans, que nous parviendrons à l’universalité à laquelle aspirait Léopold Sédar Senghor, dont nous commémorons les 20 ans de sa mort…

Je vous invite d’ailleurs d’ores et à un petit-déjeuner débat le 8 septembre prochain à la Questure qui aura pour thème : Diversité et Universalité.
Célébrer Jean de La Fontaine, célébrer Léopold Senghor, c’est célébrer la Francophonie et tracer de nouvelles perspectives. La future cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts qui sera inaugurée l’année prochaine porte aussi cette ambition nouvelle et ambitieuse d’une francophonie réinventée et, je l’espère comme vous Madame, populaire.

Je vous remercie.