Tout d’abord, je tenais à vous exprimer les félicitations de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie pour votre médaille d’or au concours de nouvelles des Jeux de la Francophonie. Avez-vous été surpris d’obtenir cette distinction ?
Guillaume Corbeil : En tout cas j’ai été honoré. Je ne venais pas à Nice pour gagner une médaille : un événement culturel ne s’approche pas de la même façon qu’une compétition sportive, même si, dans le cadre des Jeux, le décorum était le même. Si un athlète pleure en voyant son drapeau être hissé, y voyant sans doute l’aboutissement de tant d’efforts, pour un artiste cela représentait davantage quelque chose d’exotique et d’amusant.
Avez-vous lu les autres nouvelles en compétition ? Certaines ont-elles particulièrement retenu votre attention ?
Guillaume Corbeil : Tous les auteurs devaient lire un extrait de leurs nouvelles, c’est à ce moment que j’ai pris connaissance des textes des autres auteurs. J’ai particulièrement aimé la nouvelle qu’a présentée Edgar Kosma, de la Belgique, qui s’est vu octroyer la médaille d’argent, et de Valérie Cachard, qui a reçu quant à elle une mention spéciale du jury.
Est-ce que le concept de littérature francophone a une réalité pour vous ? Quel est votre rapport à la langue française ?
Guillaume Corbeil : Le Québec est isolé du reste de la francophonie, seul au milieu d’un océan anglophone : les Etats-Unis au sud, le reste du Canada à l’est et à l’ouest. Comme nous sommes une ancienne colonie, notre éducation littéraire passe d’abord par les classiques français, un peu par les locaux – je ne sais pas si je peux parler d’un rapport à la littérature francophone… De la même façon que les autres pays de la francophonie ne connaissent pas nos auteurs, j’imagine, je ne connais pas ceux des autres. Je me sens donc en dehors de la littérature de la francophonie, bien que je ne me voie pas écrire dans une autre langue que le français. Donc en dehors et en dedans. Quand j’y pense, c’est une situation typiquement québécoise…
Quelles sont, selon vous, les spécificités d’écriture de la nouvelle ? Pourquoi ce choix d’un format court ?
Guillaume Corbeil : J’aime la nouvelle pour ce que sa fulgurance permet, autant aux niveaux de sa forme que de son contenu. On présente un univers à travers une serrure, dès lors tout ce que le lecteur ne voit pas exige qu’il fasse appel à son imagination. On peut ainsi proposer des univers qui seraient la plupart du temps intenables dans des formes plus longues. En ce sens-là, je déteste les nouvelles qui se contentent d’être un court roman.
Quelles sont vos sources d’inspiration en littérature ?
Guillaume Corbeil : J’ai eu un véritable choc culturel en découvrant les auteurs sud-américains, Borges, Cortázar et Garcia Marquez particulièrement, puis Gombrowicz, un Polonais qui a passé pratiquement toute sa carrière littéraire en Argentine.
Dans votre nouvelle, Les effets secondaires, un homme, au crépuscule de sa vie, se remémore son passé. On peut y voir des similitudes avec La dernière bande de Samuel Beckett. Avez-vous lu cette pièce de théâtre ?
Guillaume Corbeil : Je l’ai lue, je l’ai vue… C’est une pièce que j’adore et j’ai eu la chance de la voir mise en scène par Denis Marleau, un homme de théâtre québécois particulièrement brillant. J’ai commencé à écrire des nouvelles, maintenant j’écris davantage du théâtre, je vais donc prendre cette comparaison avec beaucoup d’humilité.
Que comprendre du titre de votre nouvelle, quels sont ces « effets secondaires » que vous avez choisi de mettre en exergue ?
Guillaume Corbeil : Pour continuer à vivre, le personnage principal doit prendre des médicaments. Or, leurs effets secondaires l’aliènent de sa condition d’humain : plus de libido, plus d’émotion… Sa vie n’existe plus qu’au passé : il devient le spectateur de sa propre existence. C’est pour cette raison, aussi, que je l’ai fait passer tout son temps au cinéma. Après avoir décidé de passer outre les effets secondaires pour embrasser la vie à nouveau, il acceptera la mort.
Vous avez récemment visité l’Afrique pour la première fois à l’occasion du MASA (Marché des arts du spectacle africain), quelles ont été vos impressions ?
Guillaume Corbeil : Ça a véritablement été un choc culturel. Je me souviens que, à mon arrivée, des organisateurs du festival m’ont reconduit jusqu’à mon hôtel en voiture ; j’étais rivé à la fenêtre, je voulais tout absorber du paysage. Quand le conducteur m’a demandé quelles étaient mes impressions, je me suis spontanément exclamé que je trouvais ça beau. Il a sourcillé, qu’est-ce que je trouvais beau au juste ? Ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai pris conscience que nous suivions un grand boulevard, pratiquement une autoroute, un bout de pays sans aucun charme pour lui. Tout était si nouveau que même une artère bétonnée pouvait capter mon attention.
Que signifie la Francophonie pour vous ? Quel sens lui donnez-vous en 2014 ?
Guillaume Corbeil : Je commence à peine à prendre connaissance de sa réalité. Pour moi, le français est une langue riche de par la qualité des œuvres qu’il voit naître. Je ne comprends pas que chaque pays francophone soit ainsi replié sur lui-même. Pour moi, il est indécent que le Québec, une nation qui se définit d’abord et avant tout par sa langue, soit si peu connecté au reste du monde francophone. Le problème se pose aussi dans l’autre sens : comment se fait-il que Nous voir nous, une pièce que j’ai écrite et qui a obtenu beaucoup de succès, attire l’attention des théâtres allemands et américains et non du reste du monde francophone ?
Avez-vous un message particulier à délivrer aux parlementaires francophones ?
Guillaume Corbeil : Depuis ma participation aux Jeux de la francophonie, je me questionne beaucoup quant au problème de visibilité dont souffre la francophonie. Et je ne parle même pas par rapport au reste du monde : la francophonie ne se voit pas elle-même. Après avoir reçu ma médaille, sans doute par narcissisme, j’ai tapé mon nom dans les moteurs de recherche du web pour lire ce qu’on disait sur mon triomphe niçois… Rien. Même dans les journaux québécois. En prenant conscience qu’on ne parlait de moi nulle part, j’ai aussi réalisé que je ne savais rien de la francophonie. Si la francophonie ne se connaît pas elle-même, elle ne peut s’attendre à ce que le reste du monde s’intéresse à elle. Une culture invisible, c’est une culture qui n’existe pas.
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