Distingués collègues,
Députés et Sénateurs,
« La paix, la démocratie, les élections et le développement » est une thématique d’actualité non seulement sur le continent africain, mais également, dans bien d’autres pays, quand bien même la spécificité africaine, dans ce domaine, mérite d’être soulignée.
Il peut paraître superflu de définir les quatre mots paix, démocratie, élections et développement tant ils nous sont familiers et chacun peut prétendre savoir les définir. La présente note prend appui essentiellement sur l’Afrique pour éviter la généralisation quelque peu abusive, en abordant les situations d’ailleurs dont on ne saurait saisir tous les ressorts.
Dans un premier temps, il importe de démontrer les liens matriciels entre eux, en ce qu’ils se trouvent totalement imbriqués. Autrement dit, peut-il y avoir paix sans démocratie ? La démocratie elle-même peut-elle se concevoir en excluant les élections ? Quand bien même il y aurait élections, sans développement économique conséquent, n’est-ce pas là une cause de fragilité qui bat en brèche la notion même de paix ?
De ce qui précède, et en se conformant à la déclaration de Bamako, dans le cas de notre organisation, il convient de passer en revue les quatre mots précités, étant entendu que leur imbrication n’est plus à démontrer.
A. La paix
Situation d’un Etat qui n’est pas en conflit avec un autre Etat, cette définition de la paix en droit international nécessite, aujourd’hui, qu’il y ait également un regard introspectif en ce que la paix ne doit pas toujours s’envisager par rapport aux autres Etats, mais également, par rapport aux composantes internes de l’Etat lui -même. Lorsque les rébellions, les mouvements sécessionnistes ou indépendantistes menacent l’existence de l’Etat, on ne peut pas dire qu’il y a paix.
Or, dans la situation particulière de l’Afrique, l’accès aux charges publiques et, donc la distribution des ressources sont devenues des sources des conflits qui obligent les populations entières à se réfugier dans les Etats voisins, avec comme conséquence la déstabilisation des Etats hôtes. Qu’est-ce qui peut être fait dans le cas de notre organisation pour créer une paix durable entre les Nations ?
Après la conférence de La Baule, la conditionnalité entre démocratisation des institutions et assistance économique, du moins dans le cadre de l’Afrique, s’imposa comme un nouveau paramètre pouvant déboucher sur une paix durable. Et, la déclaration de Bamako, alla dans le même sens pour dire qu’il n’y a point de paix sans démocratie. Peut-on aujourd’hui soutenir que depuis l’épidémie des conférences nationales, où la parole fut redonnée aux peuples d’Afrique, qu’il y a moins de conflits et plus de stabilité dans les Etats africains de l’espace francophone ?
Faut-il pour autant considérer la paix comme étant irréalisable ? Point du tout. Les efforts constants de notre organisation doivent tendre vers une paix durable par l’amélioration des conditions de vie des populations, puisque la paix est le plus grand bien pour toute l’humanité. Quelques pistes exploitables peuvent garantir cette paix, c’est notamment :
la coopération plus accrue pour que les expériences des uns profitent aux autres ;
l éducation et la formation pour que s’impose une culture de paix et de dialogue ;
la vulgarisation des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme parce que, pour que ceux ci s’appliquent, encore faudrait-il qu’ils soient connus du grand public
De la sorte, la paix peut créer les bases solides pour la démocratie, quand bien même la question de savoir si, c’est la démocratie qui précède afin d’établir la paix ou si c’est la paix qui constitue une condition préalable à la démocratie, c’est une question irrésolue. L’essentiel étant que les deux marchent de paire.
B. La démocratie
Système inventé par les grecs et dans lequel le pouvoir suprême est attribué au peuple qui l’exerce lui-même, ou par l’intermédiaire de ses représentants qu’il élit, la démocratie est à la fois le meilleur et le pire des régimes. Cependant, tout dépend du bout de la corde que l’on tient. Il est le meilleur des systèmes lorsque les règles du jeu sont clairement établies et, que c’est sous l’arbitrage du peuple que l’on accède aux charges publiques. Il est le pire dans l’hypothèse où il y a manipulation des règles, instrumentalisation de la population, contestation à tord ou à raison…Ce qui débouche sur l’insécurité si pas la tyrannie.
S’agit-il là de la remise en cause de la Démocratie ? Point du tout. Néanmoins, la fragilité de l’Etat, dans le contexte africain, met durement à l’épreuve la démocratie elle-même en ce que l’impact des considérations tribales et ethniques est évident et introduit une sorte d’irrationalité qui pousse à préférer un candidat, non pas parce qu’il présente le meilleur projet mais simplement puisqu’il faut préserver la parenté.
Sans devoir généraliser ces faits, on peut cependant épingler qu’il s’agit là d’une des causes pathologiques de la démocratie. Outre, ce paramètre interne qui n’est pas négligeable en Afrique, il importe également de constater que les multinationales s’investissent à soutenir tel ou tel autre candidat, non pas en vertu du programme qu’il présente, mais simplement, parce qu’elles tiennent à installer leurs chargés d’affaires, afin d’exploiter sans contrepartie les richesses naturelles dans tel ou tel autre pays. C’est aussi là une frustration qui peut se transformer en explosion très meurtrière. Certes, notre organisation a déjà marqué beaucoup de points en obtenant l’interdiction de commercialiser telle ou telle autre matière première, notamment les diamants du sang par l’imposition de la certification de bonne origine appelé le processus de Kimberley, mais cela est-il suffisant ? On voit bien que la fragilité de la démocratie en Afrique est non seulement interne mais aussi externe : que peut faire notre organisation pour défendre davantage la démocratie ?
On assiste, actuellement, au soutien accordé aux peuples en révolte contre les régimes dictatoriaux. Dans un premier temps, on peut considérer qu’il s’agit là effectivement d’un appui au triomphe de la démocratie. Toutefois, lorsque l’on procède à la destruction systématique des infrastructures de base des populations que l’on est censé assister, la question est de savoir quelle est la ligne de démarcation entre l’ingérence démocratique et la destruction méchante qui s’apparente à un règlement des comptes ?
D’autre part, la démocratie par les armes pourra- t- elle véritablement inspirer sinon instaurer les pratiques démocratiques ? Des comités de salut public qui se proclament depuis, ce que l’on peut appeler le printemps arabe, sans élections préalables, sont reconnus comme des représentants légitimes de leurs peuples par les pays de l’espace francophone. A partir de cet instant, quel sens faudrait-il assigner aux élections ?
Autrement dit, les contestations populaires constituent-elles une alternative aux élections ? N’est-ce pas là une dérive dangereuse qui constitue la négation de la démocratie ? La démocratie de la rue mérite-te-elle un traitement préférentiel ?
Certes, la démocratie est un droit fondamental et l’aspiration profonde de chaque peuple pour mieux s’épanouir, mais ne pas tenir compte du parcours historique de chaque peuple plaiderait pour l’unidimensionnalité de la démocratie, alors que celle-ci, par essence, s’enracine sans déraciner. Or, les pratiques actuelles de la démocratie par les armes sont ni plus ni moins une forme de génocide culturel.
La diversité qui fait la beauté et la richesse de notre organisation devrait, tout en préservant le noyau dur de la démocratie, et donc les droits fondamentaux, contribuer à l’équilibre pour interdire les guerres de démocratisation, tout en favorisant l’effectivité de la démocratie dans l’espace francophone. C’est dans ce cadre qu’il convient de prendre en compte les élections entendues comme moyen pacifique de renouvellement des élites politiques et forme éminente de la reconnaissance de la souveraineté d’un peuple, et non l’assaut d’un groupe, fut-il majoritaire, appuyé par ceux qui prônent la pensée unique et la vision univoque de la démocratie partout. Soutenir les putchistes ne permettra d’instaurer les pratiques démocratiques.
C. Les élections
Moment privilégié où le peuple exerce sa souveraineté en choisissant librement ses dirigeants, l’élection prend une autre connotation en Afrique où l’on peut se poser la question de savoir s’il s’agit véritablement d’un mode pacifique de sélection des gouvernants sous l’arbitrage du peuple ? En effet, depuis la démocratisation des institutions en Afrique, la période électorale est devenue l’une des plus dangereuses débouchant sur des conflits qui menacent l’existence de l’Etat, alors qu’en principe, la démocratie devrait conforter la paix. Il ne s’agit pas de remettre en cause le système démocratique mais plutôt de constater le dévoiement des élections.
D’abord, il importe de faire remarquer le malentendu sémantique entretenu à dessein. Lorsque Ségolène Royal perd les élections présidentielles, on ne la qualifie pas d’opposante, mais plutôt de candidate socialiste qui a perdu l’élection.
En revanche, lorsque Jean-pierre Bemba n’est pas élu en RDC, on l’affuble du titre d’opposant. Ce malentendu sémantique entretient un conflit d’abord latent mais qui finit par éclater. Ce qualificatif, au bas mot, est une sorte d’incitation à considérer qu’il n’y a ni loi ni quelconque interdit pour l’opposant. Tout lui est permis, même l’entretien d’une milice au nom de la réconciliation. Il y a toujours une sorte de préjugé favorable qui entoure l’opposant puisqu’il ne peut dire que la vérité et les autres de mensonge ! Il y a donc un déséquilibre dans le traitement des acteurs politiques par les partenaires. Pour tout dire, une sorte de prime est accordée à ceux qui se disent de l’opposition pour fragiliser davantage leur système politique. Comment, dès lors, envisager une alternance pacifique face à ce décor hostile ?
D’autre part, le décor préélectoral en Afrique est conflictogène. Avant la compétition électorale, des candidats déclarent s’ils ne gagnent pas les élections ce qu’elles ne sont ni sincères ni crédibles. La contestation est préparée avant que le peuple souverain ne donne son verdict. Autrement dit, à partir du moment où les candidats décrètent leurs victoires avant les élections, c’est-à-dire sans le peuple, quel sens faudrait-il assigner aux élections ?
Enfin, lorsque l’on constate le soutien apporté à ceux qui ne gagnent pas par les urnes, mais plutôt, par l’intensité de leurs déclarations incendiaires, la question est de savoir quelle est encore la place du peuple dans le choix des dirigeants ?
Ceci ne signifie cependant pas qu’il faille remettre en cause les élections parce que ce serait un recul regrettable.
Il faut plutôt déployer des efforts pour sécuriser les élections elles-mêmes ainsi que la population.
L’existence, dans presque tous les pays d’Afrique au sud du Sahara, des commissions électorales indépendantes est un fait qui interpelle pour plusieurs raisons.
D’abord, ces commissions signifient le manque de confiance totale aux structures de l’Etat en ce qu’elles ne peuvent organiser les élections sans parti pris. Dès cet instant, le jeu démocratique n’est-il déjà pas biaisé ? D’autre part, suivant que les partis politiques sont associés ou non à la composition de ces commissions nationales électorales indépendantes, n’est-ce pas là le décor déjà tout planté pour les contestations ultérieures ?
Ensuite, lorsque l’on se rend compte de tous les sacrifices consentis pour soutenir le fonctionnement de ces commissions, ce qui signifie en réalité la décrédibilisation de l’Etat, pourquoi, dès lors, ne pas soutenir l’Etat pour le rendre plus performant au lieu des structures qui exigent tout de l’Etat, sans pour autant assumer une quelconque responsabilité, lorsque les compétitions électorales débouchent sur les violences que rien ne peut justifier ?
Comment ne pas dénoncer l’irruption des ONG qui croient tout connaître en matière électorale, et souvent donnent des avis pour jeter de l’huile sur le feu. On dirait qu’il y a une sorte de complicité du silence pour discréditer les compétitions électorales en Afrique ; alors que celles-ci devraient plutôt être encouragées pour qu’elles s’organisent dans les meilleures conditions pour une plus grande légitimité et par ricochet, une forte cohésion sociale pour améliorer les conditions de vie.
Enfin, pour organiser les élections apaisées, les actions doivent être entreprises aussi bien en amont qu’en aval. En amont, l’élaboration de la loi électorale de manière démocratique, la transparence dans l’établissement du fichier électoral, la formation des agents préposés au bureau de vote pour mieux connaître la loi électorale, sont là des conditions qui peuvent participer au climat serein pour une compétition électorale sincère, juste et crédible.
En aval, l’obligation devrait être faite aux partis politiques non seulement de former leurs membres, mais aussi, de signer une charte par laquelle les acteurs politiques s’engagent à respecter la loi des urnes. Ce sont là des formalités essentielles pour éviter les contestations contestataires qui entretiennent une triste image de la guerre qui se profile derrière chaque élection, alors qu’il devrait plutôt s’agir d’un moment important de la célébration de la liberté d’un peuple.
Ainsi, le triptyque paix, démocratie et élections peut déboucher sur le développement
D. Développement
Notion fortement connotée en raison de ses aspects quelque peu idéologiques, le développement n’est pas linéaire, mais plutôt, un mieux être qui ne peut être que relatif eu égard aux préoccupations profondes de chaque société. Il n’y a donc aucune définition du développement qui peut faire l’unanimité. Il importe donc d’approcher ses manifestations au lieu d’une appréhension empirique.
Ce qui signifie que si la démocratie ne peut pas déboucher sur la croissance économique, et donc la satisfaction des besoins fondamentaux des populations, il ne peut y avoir ni paix ni stabilité. Ceci traduit la grande contradiction des institutions de Bretton wood qui, dans leurs programmes d’ajustement structurel, exigent, avec raison, l’assainissement des finances publiques et asphyxient, à la fois, les économies déjà caractérisées par le marasme. Ce qui a pour conséquence l’instabilité, l’impopularité des gouvernements et dans les pires des cas les révoltes sociales. Dans le cadre de notre organisation, la démocratie qui ne tiendrait pas compte des conditions de vie des populations ne pourra pas perdurer. Elle sera emportée par la pression sociale surtout qu’avec la libération de la parole, la démagogie fait des émules.
Et donc, l’enracinement de la démocratie dans l’espace francophone devrait s’accompagner de la prise en compte des conditions économiques de chaque pays au risque de voir des dictatures revenir en force au motif de mettre fin au chaos. Est-ce une sorte de remise en cause des libertés publiques acquises au prix du sang dans la plupart des pays ? Pas du tout, mais la misère ne peut, en aucun cas, promouvoir la liberté.
Cette note introductive n’a eu pour ambition que de lister, de manière non exhaustive, les problèmes qui se posent s’agissant de la mise en oeuvre de la paix, de la démocratie impulsée par les élections sans omettre le développement individuel et collectif qui doit être le couronnement de tout système démocratique.
Si la démocratie prônée dans notre organisation ne peut apporter des solutions aux problèmes de survie de nos populations, il y a lieu de parier qu’il y aura toujours des ruptures, des remises en cause car l’idéal ne peut se réaliser sans l’homme. Or, justement les mécanismes imaginés pour la paix et la démocratie ont démontré leurs limites, en ce que le troisième axe qui est celui du développement de l’homme n’accueille pas souvent le suffrage nécessaire.
Ce sont là, quelques contradictions en apparence, relevées à votre intention pour mieux nourrir le débat.
37e session
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